Une fois par an, nous nous rendons à Deauville, dans ma région natale, en Normandie. J’ai passé toutes les vacances de mon enfance à Bénerville sur mer dans le Calvados, village proche de Deauville. C’est difficile d’écrire sur un endroit qui évoque pour soi tant de souvenirs à cause de toutes les émotions qui remontent à la surface mais cette fois-ci allez, je me jette à l’eau (ici pourtant très fraiche).
Jeune, Deauville m’éblouissait : la plage, les « planches », les commerces de luxe, ses célébrités qui fréquentaient le casino. J’y ai vu mes premiers films, bien avant le célèbre festival du film américain. En effet, Deauville fait depuis longtemps « son cinéma ».
Et puis j’ai vieilli, l’époque des splendeurs est passée. J’ai eu envie de connaitre un peu l’histoire de ce lieu atypique dans l’ouest de la France qui a bercé mon enfance et qui finalement a bien su tirer son épingle du jeu et s’adapter encore une fois à son époque. Voici le condensé de mes recherches avec mes photos très actuelles (2016 et 2017).
Deauville, une histoire sans fin
Deauville est située, sur la côte fleurie, une des plus belles régions de la Basse Normandie. Surnommée le 21ème arrondissement de Paris, elle se trouve en effet à 200 kilomètres par autoroute de la capitale. Sa jolie gare est le terminus des trains en provenance de Paris Gare Saint Lazare. Autant dire que les moyens de locomotion modernes rendent très proches la station balnéaire pour les parisiens en mal d’air pur.
Deauville, village de cultivateurs/éleveurs et Trouville village de pêcheurs ont saisi, au 19ème siècle, l’opportunité que représentait l’engouement de la bourgeoisie pour les bains de mer et sont devenues des stations balnéaires à la mode. S’engagea alors une course effrénée vers toujours plus de constructions….
Découvrir Deauville et Trouville de manière originale, cela vous tente ? Un vent de liberté souffle sur vous ! A vélo, vous découvrirez les deux charmantes villes du Calvados et en side-car, vous longerez le littoral de la Côte Fleurie jusqu’à Honfleur.
Deauville la mondaine, Trouville la discrète
L’histoire d’amour entre Deauville et le cinéma explique ce côté un peu bling bling. L’ambition de Deauville est surtout d’être une ville culturelle entre expositions de photos, de peinture et son festival du film américain. Si bien nommée dans un récent documentaire de France Télévision, « Deauville la Mondaine » s’est donné depuis fort longtemps une vocation à attirer à elle une clientèle VIP.
« Trouville la discrète » quant à elle, s’est positionnée dans un tourisme plus simple et plus authentique.
Flashback, quand Deauville s’appelait Dosville
Au 17ème siècle, tout d’abord éleveurs-cultivateurs à Deauville, pêcheurs de maquereaux à Trouville.
Au début, il y a les marais au bord de la mer (« marais salants » que l’on trouve encore dans la baie du Mont Saint Michel) et un hameau d’une centaine d’âmes « Dosville » avec quelques fermes et des journaliers qui pratiquent l’élevage et les cultures fourragères. Les moutons et les vaches paissent sur ces marais en contrebas. Trouville est tournée vers la mer et la pêche.
A l’origine donc, un village construit sur les hauteurs du Mont Canisy autour de l’Eglise Saint Laurent et un seigneur propriétaire d’un modeste manoir, le marquis de Lassay, courtisan du roi Louis XIV et qui pour éblouir marquise de Montpensier transforme sa demeure en un magnifique château. Déjà des envies de grandeur et de luxe. Las, la divine marquise n’y viendra jamais mais le village pu s’enorgueillir de ce superbe bâtiment ….
Nous sommes au 17ème siècle. Le château ne passera pas à la postérité et son dernier acquéreur en 1824, un riche parisien le laissera se dégrader et sombrer.
Dans la course au progrès, Deauville et Trouville, « les meilleures ennemies »
C’est Trouville sur mer, sa sœur jumelle séparée d’elle par la Touques qui lance la mode des Bains de mer au 19ème siècle avec la nouvelle bourgeoisie française et l’aristocratie du second Empire. La ville se saisit d’une opportunité de l’époque : avec l’arrivée des trains au Havre. Pour établir une correspondance régulière, on construit une jetée pour permettre aux bateaux à vapeur d’accoster. Progrès commercial et économique pour certains, bouleversement écologique pour Deauville qui voit, à cause du changement des courants, s’ensabler son littoral pour créer ce qui est toujours maintenant la grande plage.
Les Bains de mer, une opportunité immobilière pour Deauville :
Sous Napoléon III la mode des bains de mer prend de l’ampleur. Tandis que l’empereur offre à Eugénie la station de Biarritz, le Duc de Morny (demi-frère de Napoléon III) et quelques investisseurs voient dans cette mode une belle opportunité aussi sur la côte normande et à Deauville. Le destin de la ville est scellé. Les travaux de drainage et d’asséchement des marais sont lancés et le nouveau Deauville sort du sable après 10 années de travaux. Ce qui était à l’origine des garennes justes bonnes à nourrir les lapins laissent la place aux premiers édifices emblématiques de Deauville. En 1864, le Deauville des plaisirs surgit des marais. Le 14 août 1864, une foule élégante assiste à la première course hippique de l’hippodrome de la Touques. La ville est aujourd’hui le lieu de la prestigieuse vente de Yearling.
Et le tourisme estival est né.
Rapidement de riches familles investissent dans les opérations immobilières entrainées par le Duc de Morny qui gardera beaucoup de discrétion à ce sujet. Trouville sur Mer avait déjà son casino. Deauville la chic et déjà mondaine se doit alors d’avoir le sien. La ville est partagée en quatre zones « haussmannienne » : le bord de mer, la zone résidentielle près du Casino, une zone mondaine avec l’hippodrome (la belle société aimait s’y retrouver), en arrière de tout ceci une zone urbaine populaire.
En arrière de la Touques une zone portuaire avec le chemin de fer. Sera exclu du plan d’urbanisme l’ancien bourg qui restera exilé sur la colline relié à la zone populaire par un maillage de chemins vicinaux.
Pendant ce temps, Trouville continue à charmer les peintres et les écrivains comme Alexandre Dumas, Gustave Flaubert et plus tard Marguerite Duras qui achètera un petit appartement aux Roches Noires. Le pont de l’Union sur la Touques est construit en 1860 et relie les deux villes.
Le tiercé gagnant à Deauville : les bains, les jeux et les courses
La promotion immobilière bat son plein. Des villas de tous les styles sont construites. Dans le quartier de la place Morny et du chemin menant au Casino de nombreux commerçants s’installent. La jolie place du marché est juste là.
Un changement social s’est amorcé et le développement de la ville voit naitre de nouveaux métiers. Les habitants abandonnent l’élevage et la culture fourragère pour devenir « gens de maison » ou personnel hôtelier. C’est une réelle opportunité pour les artisans et ouvriers du bâtiment.
Deauville continue de se développer autour de ses trois axes de prédilection : le Casino, les bains de mer – avec le début de la Thalassothérapie – et le cheval. La ville devient la ville des plaisirs de l’Aristocratie.
Honfleur, Houlgate, Cabourg ne sont pas en reste
Les villes alentours se spécialisent : Honfleur est la ville des peintres, Houlgate la ville que fréquente la Bourgeoisie et Cabourg celle des intellectuels et des artistes.
Quand Deauville joue encore les seconds rôles
Tout ce bel édifice va s’effondrer fin du 19ème siècle. Crise économique, politique et écologique se succèdent rapidement. Une tempête hors norme défigure la plage, suscitant un peu plus d’envasement et de difficultés d’accès pour les riverains. Jusqu’au début du XXème, Deauville malgré tous ses efforts reste dans l’ombre de Trouville.
Deauville et les années folles, la folie des grandeurs
En 1912 un nouveau casino supplante celui de Trouville et le bel hôtel Normandy est édifié. Deauville est relancée. L’hippodrome est agrandi, la ville rachète des terrains à Bénerville si proche et l’hippodrome de Clairefontaine voit le jour, des boutiques de luxe sont construites près du Casino (le joailler Van Cliff et Arpels et celle de Coco Chanel).
Le grand magasin parisien « le Printemps » s’installe. Ce sont les Années Folles et Deauville renait. En 1924 sont inaugurés « les bains pompéiens » et les planches. En 1930, la ville acquiert des terrains et l’aérodrome de Saint Gratien voit le jour. Les ballets russes et Nijinski se produisent pour la première fois en France au Casino.
La parenthèse de la seconde guerre mondiale
La ville est désertée et occupée par les allemands. Les belles bâtisses du front de mer sont vides et délabrées, les hôtels sont revêtus d’un camouflage. La plage reprend son aspect sauvage.
Sur le Mont Canisy, les allemands construisent des Blockhaus destinés à intervenir en cas de débarquement et abattre les avions des alliés.
Une voie ferrée est installée sur des traverses pour relier la gare au Mont Canisy. Les alliés, après le débarquement libéreront toute la côte normande.
Et puis, Deauville fait son cinéma « chabada bada, chabada bada » et Deauville devient VIP
C’est le temps de la reconstruction en France et il faudra attendre 1960 pour que Deauville se relève. Les temps ont changé, une nouvelle population s’intéresse à Deauville et le Maire de l’époque Michel d’Ornano impulsera un changement qui perdure encore jusqu’à nos jours. Deux mondes se côtoient sans se mélanger : les parisiens aristocrates et bourgeois et le petit peuple local qui travaille pour eux. Les propriétaires des petites maisons louent leur maison l’été et de manière saisonnière une nouvelle population fréquente désormais la ville et ses environs : Tourgéville, Bénerville et Blonville.
L’industrie cinématographique repart de plus belle et les grands acteurs de l’époque poseront leurs valises plus ou moins longtemps à Deauville. Le festival du cinéma américain est créé. Deauville devient VIP.
Claude Lelouch tournera sur la plage de Deauville une des séquences cultes d' »Un homme et une femme » en 1966- et un peu avant une séquence d' »Un singe en hiver » d’Henry Verneuil se déroulera sur le marché de Trouville.
Que reste-t-il des splendeurs passées ?
L’ancienne Deauville est toujours présente mais ses fastes ont un peu changé. Le Casino s’est transformé et les machines à sous attirent une population prise en otage d’un gain d’argent facile.
Les grandes maisons trop difficiles à entretenir ont été transformées en copropriétés. Le développement immobilier se construit avec le réaménagement de la zone de la presqu’ile entre Deauville et Trouville : exit les vieux hangars à bateaux. Deauville a fait sienne cet adage « qui n’avance pas recule ».
Un peu surfaite, un peu snob parfois, Deauville reste quand même mondaine. C’est irrésistible, chaque promeneur y fait son cinéma sur les planches, on s’encanaille au Casino, on y fait son marché d’excellents produits locaux, on se promène inlassablement dans ses rues pour admirer ses belles maisons normandes. Certains endroits sont incontournables. Et pourtant, je ne me lasse pas de cette plage à perte de vue qui va désormais de Deauville aux Roches Noires (on peut passer à Blonville à marée basse) en passant par Tourgéville et le Bénerville de mon enfance.
Quand Trouville se joue des coups du sort !
En 2006 un incendie a détruit la typique halle aux poissons de Trouville datant de 1930. Qu’à cela ne tienne la nouvelle halle est reconstruite à l’identique pour permettre la vente de poissons « à la débarque ». Désormais on peut s’y restaurer de fruits de mer et de poissons cuits à la plancha.
Deauville,ville d’art une ambition culturelle
A l’automne 2017, juste après le festival du film américain, dans le cadre de planche(s) contact et de la 25ème heure, le photographe Peter Lindbergh installe son exposition de photos monumentales sur la plage de Deauville
Ici le ciel est impressionniste …
… comme les peintres qui l’ont si joliment mis en couleur sur leurs tableaux. Les couchers de soleil sont magnifiques et la lune parait toujours plus proche et plus ronde qu’ailleurs, pour peu que le ciel soit dégagé …et oui la Normandie est humide, c’est pour cela qu’elle est si verte !
crédit photos @desroulettessouslespieds.com
Sources de l’article : recherches sur le Web – ( entre autre le site Wikipédia corroboré par mes propres sources familiales et ma propre expérience)
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J’aime beaucoup cette ville, pleine de charme 😀
Je suis fan de ces deux endroits pour moi impossible de faire l’un sans l’autre!
J’y suis allée en 2014. J’ai préféré Trouville à Deauville. Malheureusement, c’est plutôt cher. Je suis passée rapidement à Honfleur, c’était assez joli. Par contre, je ne connais les deux autres villes que tu cites. C’est sympa en tout cas que tu aies pu grandir dans ce coin pas trop loin de la mer.
Merci pour ce partage et toutes ces infos.
A bientôt.
C’est intéressant de connaître l’histoire. J’ai toujours préféré Trouville à Deauville justement pour ce côté plus authentique. Plus simple.
Et pour la vendeuse de gaufre sur la plage en été 😉
Entre les deux mon coeur balance. Pour moi,les deux villes sont indissociables….différentes et complémentaires….mais pour les gaufres ça c’est sûr ainsi que pour la simplicité même si la pâtisserie Charlotte Corday donne à ses gâteaux le nom des stars qui viennent les déguster chez elle 😉😉
Merci Cindy. Je suis allée en Martinique , il y a bien longtemps et ton blog me donne vraiment l’envie d’y retourner . A bientôt.
beau voyage dans le “Nord” de la France, un jour j ‘irai autrement qu en@
Merci Christine
Bon j’ai dit le Nord parce d’habitant au sud d’Avignon tout ce qui est au dessus c’est le Nord ….mais en fait Deauville/Trouville sont ….à l’ouest 😂. Merci de ton commentaire et pour ton joli logo.
Tu as fait un travail absolument remarquable, chapeau 😉
J’avais eu une love story qui m’a amenée à passer des étés entiers à Deauville. Mais j’ignorais l’histoire de cette ville, et surtout la différence entre Trouville et Deauville
Ton article est très intéressant
Que penser du Touquet, pas si loin finalement ?
Merci pour ce feed-back sur mon travail. J’ai mis du temps à écrire cet article qui me tenait beaucoup à coeur. Merci aussi pour ta jolie confidence . Et oui les deux villes sont aussi très romantiques, c’est ce que j’ai voulu montrer avec un extrait d’un « homme et une femme » 😍. Quand au Touquet, je ne connais pas . A bientôt.
Très bel article, sensible au charme local et surtout à son histoire, en tous cas écrit par quelqu’un qui aime ces lieux 😊 Merci
Oh lala quel article tellement complet ! j’ai appris tellement sur 2 villes que j’adore entre autres trouville et ses demeures de rêve et Honfleur et son coté poétique ! belle journée
J’ai passé pas mal de temps dans le coin étant enfant car ma grand mère habitait non loin de là… merci d’avoir fait resurgir ces souvenirs.
J’aime beaucoup cette comparaison et explications pour ces deux villes que je ne connaissais que de nom.
Par contre, je craque pour les halles.
Je ne suis jamais allé à Deauville mais qu’est ce que ça a l’air joli! J’adore l’architecture des maisons ! Cet article est vraiment bien rédigé et complet, bravo !
Merci pour ce commentaire et j’espère que tu pourras y faire un séjour.