La villa gallo-romaine de Séviac se trouve non loin d’Eauze, à Montréal du Gers, en Armagnac. La villa, véritable palais à la campagne est réputée dans le monde entier pour ses mosaïques. Redécouverte en 1866, sa dernière restauration date de 2018. Elle fait partie d’un ensemble appelé « Elusa » qui comprend trois sites : Séviac, villa gallo-romaine, la Domus de Cieutat, demeure urbaine et le musée archéologique.
« Salve ! Je suis Marcus Licinius, sénateur romain, d’origine Elusate, c’est à dire Aquitain et maitre des lieux.
Je vous présente la villa gallo romaine que j’occupe avec le plus grand bonheur. Je n’ai pas fait construire Séviac qui date du 3ème siècle, j’en ai pris possession et l’ai embelli. L’endroit est idéal. Le domaine est implanté sur un petit plateau, qui offre une vue sur le petit vallon de l’Argentran et permet de profiter des eaux du ruisseau qui a donné son nom au vallon. Sa déclivité naturelle permet d’évacuer les eaux pluviales et thermales.
Sur ce sol fécond, on cultive, on produit ce qui permet d’être en autosuffisance. Dans les thermes alimentés par une source, ma famille et mes invités peuvent se détendre. La promenade, protégée par la galerie, permet d’admirer par temps clair, les Pyrénées.
A 12 kms d’Eauze se trouve Elusa, cité antique, chef-lieu de la Cité des Elusates où je peux me rendre facilement dans la journée. Le marché qui s’y tient nous permet d’écouler le surplus de notre production et je peux dire, comme Ausone, poète bordelais du 4ème siècle parlant de son domaine, proche de Bazas :
« Ma terre n’est située ni loin de la ville, ni près de la ville : ainsi j’échappe aux foules et je profite de mes biens. Et quand l’ennui m’entraine à changer de lieu, je passe alternativement de la jouissance de la campagne à celle de la ville »
Séviac a été occupé dès le 1er siècle comme l’attestent les fragments d’amphores de cette époque. Elle voit son apogée entre le 4ème siècle et le 5ème siècle de notre ère. Puis elle sombre dans l’oubli, jusqu’en 1866 où un agriculteur installé sur le site met à jour le premier fragment de mosaïque. Ensuite, au 20ème siècle, une passionnée d’archéologie, Paulette Aragon-Launet, aidée de bénévoles, fouille le sol et reconstitue petit à petit les mosaïques, trésor de la villa. En 2018, après 18 mois de travaux gigantesques, la villa gallo-romaine de Séviac reprend vie.
Sommaire
Séviac, modèle parfait de la villa gallo-romaine, palais à la campagne
La villa gallo romaine de Séviac correspond au modèle économique et social de la romanité en vogue à cette époque. Il s’agit d’une habitation rurale luxueuse associée à des bâtiments agricoles qui permet à son propriétaire d’avoir une autosuffisance et en même temps de vendre le surplus de la production. Ce modèle disparaitra vers le 7ème siècle mais, la communauté de paysans restés sur place, sera à l’origine des paroisses médiévales
Entre le 4ème et le 5ème siècle, la résidence prend de l’ampleur et s’étend sur 6500 m2 de superficie. Les travaux récents restituent ce que pouvait être ce palais rural, organisé autour de ses galeries (péristyle) ainsi que ses trésors que sont les mosaïques désormais restaurées.
La villa urbana : la vie dorée du maitre des lieux
» Moi, Marcus Licinius, maitre des lieux qui mène ici une vie dorée et oisive, je vous accueille dans mon palais à la campagne.
Enfilez votre toge et chaussez vos solae (sandales) je vous accompagne pour la visite.
L’entrée est somptueuse avec son portique et ses premières mosaïques . Comme tous les visiteurs, vous êtes impressionné par ces galeries soutenues par des colonnes de marbre aux chapiteaux doriques qui s’offrent à vous et qui entourent la « cour jardin » ornée d’un bassin. Le péristyle, (c’est son nom) fait le tour de l’édifice ».
« Je voulais une maison commode aux larges appartements disposés successivement pour les diverses saisons de l’année, une table brillante et bien garnie … un mobilier abondant et propre aux différents usages …. Mon esprit était capté par l’accoutumance au farniente, les repos familiers, les multiples avantages particuliers offert par ma demeure …
Paulin de Pella – vie en Aquitaine au 5ème siècle.
Cette pars urbana ou « villa urbana » est la demeure d’un aristocrate élusate de haut rang qui occupe certainement le poste de Sénateur. Il vit avec sa famille et s’est fait ici, une vie dorée. En face de vous, à l’ouest donc se trouve la demeure du maitre et de sa famille, une partie plus intime réservée à elle seule. La salle à manger est chauffée par un hypocauste, système de chauffage du plancher par de l’eau chaude (visible encore sur place). Les thermes sont au sud à votre gauche, nous irons les visiter plus tard.
» La galerie ouest est réservée aux maitres, la galerie nord aux domestiques. Nous ne croiserons donc pas la domesticité qui s’affaire. Comme vous pouvez le constater, la maison jouit d’un certain confort avec son ingénieux chauffage par le sol. Mais il faut le surveiller de près, à cause du fort risque d’incendie.
Lors des grosses pluies on ne mouille pas ses solae grâce aux caniveaux qui se trouvent le long du péristyle. Ceux ci permettent d’évacuer les eaux pluviales qui tombent des toitures recouvertes de tuiles.
De part et d’autre de cette galerie, de ce péristyle, on trouve des pièces de dimensions variables et destinées à plusieurs usages. Leur orientation et disposition ont été calculées pour bénéficier de la chaleur en hiver et de la fraicheur en été. Il y a aussi des latrines.
Le décor est riche et élégant avec notamment douze splendides mosaïques aux décors végétaux inspirées de l’Ecole d’Aquitaine . Les mosaïques sont réalisées sur place par des ateliers spécialisées. La décoration est faite de marbres provenant des Pyrénées et de peintures murales.
Des pièces d’orfèvrerie ornent ma table pour présenter les mets fins et abondants, la plupart en provenance de la propriété. Je vous laisse admirer les mosaïques, véritables trésors de Séviac. Ensuite, mon intendant vous fera visiter la pars rustica, le domaine agricole ».
La pars rustica ou le domaine agricole
A l’opposé, au nord, se trouve la galerie et les pièces réservées à la domesticité. Elles donnent sur la pars rustica, la partie agricole
On se trouve ici sur un domaine agricole et viticole important pouvant atteindre 300 hectares. Il s’agit de la « pars rustica » qui se trouve au nord du domaine et qui n’a pas encore fait l’objet de fouilles. Il est probable qu’il ne reste que peu de traces des bâtiments moins bien conservés que ceux de la partie où loge le maitre.
Dans la « pars rustica » on loge les esclaves et les ouvriers. La gestion du domaine est confiée à un intendant. Ici on pratique surtout la viticulture mais on y cultive probablement des céréales, on y pratique l’élevage. A côté des activités agricoles, on trouve du tissage, de la métallurgie, le travail du bois et de l’os.
On trouve aussi des traces d’un bâtiment cultuel qui a servi plus tard à un sarcophage chrétien et une petite touche de romantisme : les amants de Séviac. Pendant les fouilles archéologiques, deux jeunes corps ont été trouvés enlacés, comme saisi par l’éternité, dans leur tendre pose :
Les restes de carpe et métacarpe gauches d’icelui tendrement posés sur les débris de clavicule droite d’icelle – mais attention, eux, ce sont des Mérovingiens, qui vécurent quelques siècles plus loin.
On sort de là, et on a vraiment du mal à remettre en place tous les fragments de la mosaïque du temps.
Source ladepeche.fr
Les thermes, symbole d’une vie luxueuse à la campagne
« Je vous emmène maintenant aux thermes de la Villa. Véritable palais à la campagne, Séviac possède des bains privés, marque de la douceur de vivre à la façon romaine. Ces bains sont bien sûr un lieu d’hygiène corporelle, de détente et de sport. J’y convie mes invités pour le plaisir d’échanger avec eux.
Les thermes sont une délicieuse invention des romains, bien plus civilisés et délicats que les gaulois.
On y accède par une seconde cour rectangulaire, bordée elle aussi de colonnes qui permet la jonction avec le secteur des thermes« .
L’organisation des thermes est la suivante :
- Un secteur froid avec une entrée (vestibulum), un vestiaire et une salle froide (frigidarium) dotée d’un bassin d’eau froide revêtu de marbre blanc-gris et une grande salle pouvant être chauffée ou laissée froide en été.
- Un secteur chaud orienté au sud avec une salle tiède (tépidarium), un sauna (sudatorium) et une salle chaude (caldarium) avec son bassin d’eau chaude chauffée par un hypocauste.
La création de la nouvelle villa nécessite de plus grands thermes. Un nouvel ensemble, plus vaste, sera donc créé au 4ème siècle et sera doté d’une piscine peu profonde, en forme de fer à cheval, espace de convivialité, précédée d’un pédiluve. (Ces bains privés vont faire l’objet de six réaménagements jusqu’au 5ème siècle)
Un réaménagement datant du 5ème siècle, augmente encore la surface des thermes. Cet espace de 520 m2 possède une partie privée et une partie destinée aux grandes occasions. Le grand tépidarium (salle tiède) est doté d’un nouveau caldarium à triple abside (absides triconques). Autour de la pièce chaude (caldarium), on peut voir trois autres constructions arrondies qui n’entreront jamais en fonctionnement pour une raison que l’on ignore encore actuellement.
Chauffage par le sol et mosaïques: les particularités de Séviac
Deux caractéristiques de la villa attirent l’attention du visiteur : tout d’abord le chauffage et ensuite la richesse des mosaïques. Parlons tout d’abord du chauffage.
Le chauffage à la romaine ou hypocauste :
Le chauffage à la romaine ou « hypocauste » que l’on trouve dans les thermes et dans les salles de réception se composent de pilettes et de conduits. Dans un sous-sol de 50 à 90 cms de haut, on empile des briques (pilettes). L’air chaud est produit par un foyer alimenté en bois et circule entre les pilettes.
Dans le système à conduits, des conduites étroites assurent la circulation de l’air chaud. En effet, la circulation de l’air est activée par des conduits de terre cuite verticaux aménagés dans les murs et faisant un appel d’air jusqu’aux toitures. Ingénieux n’est-ce pas le chauffage central ?
Les mosaïques, le trésor de Séviac
Elles sont réalisées par des ateliers itinérants, ce qui explique les ressemblances constatées d’une villa à une autre. On peut compter, à l’époque, une trentaine d’ateliers.
Les motifs géométriques et végétaux réalisés en marbre au 4ème et 5ème siècle sont typiques de l’école d’Aquitaine. Les tesselles de grès vert, de marbre noir ou bleu, de calcaire blanc sont enserrés de couronnes d’acanthes. Mais on y trouve aussi des représentations de cruches de vin illustrant la production viticole du domaine.
La mosaïque aux arbres est considérée comme la plus exceptionnelle de la villa. Son décor représente des arbres fruitiers (figues et cédrats) avec entre chaque arbre des lys en marbre blanc. Au pied des arbres sont disposés des corbeilles de fruits et de fleurs.
La mosaïque à l’oiseau fut la première à être découverte en 1864. Elle se trouve dans une salle de réception pourvue d’un hypocauste (chauffage par le sol). Elle représente des feuilles de vignes et de raisins entremêlés et posés sur les branches, deux oiseaux sont en train de picorer les raisins. Il s’agit d’une œuvre originale car l’Ecole d’Aquitaine se concentrait plutôt sur les motifs géométriques ou végétaux.
La mosaïque en croix de U se trouve dans la grande salle de réception. Il s’agit de la représentation d’une corbeille de fruits. Un grand coquillage contient des grappes de raisins, des cédrats et des poires. Feuilles de lauriers et agapanthes agrémentent le tout. On trouve plutôt cette composition en forme de U en Grèce, en Syrie ou en Anatolie et … à la villa Loupian dans l’Hérault.
La mosaïque aux peltes est plus modeste. Elle se compose de paires de peltes oranges adossées les unes aux autres sur fond blanc avec une frise, présentant une alternance d’ogives et d’écailles. Amusez-vous à changer de point de vue et vous pourrez y voir plusieurs représentations différentes : trognons de pommes, os, tête de chouette, etc…
« Il est pour moi temps de vous quitter, je dois voir avec l’intendant du domaine si tout se passe bien et si nous pouvons espérer une belle récolte de raisins, gage d’une bonne production de vin.
J’espère que votre visite a été agréable et que vous avez bien profité de la douceur de vivre qui règne à Séviac. Revenez quand vous voulez, je serai toujours heureux de vous accueillir … enfin, tant que je serai en vie ».
Nous laisserons là notre ami sénateur, sorte de gentleman-farmer de l’Antiquité. La vie dorée de Séviac va s’arrêter à l’occasion de la christianisation du lieu. On y construit une église et on y retrouvera un sarcophage du début du 7ème siècle.
Progressivement la villa va se transformer et se dégrader. Les thermes sont rasés. Au 7ème siècle, la demeure est en ruine mais malgré tout trois maisons y sont construites puis détruites par un incendie. Au fil du temps et jusqu’au 19ème siècle le lieu est à vocation agricole.
La renaissance de Séviac.
Un coup de pioche porté par un agriculteur pour construire une annexe à son bâtiment agricole, en 1866 met à jour le premier fragment de mosaïque. Le site est alors re-découvert. Des fouilles seront entreprises avant la guerre de 14-18 mais il faudra attendre 1959, date à laquelle Paulette Aragon-Launet, membre de la Société archéologique du Gers, réactive les fouilles et fonde » en 1966 l’Association pour la sauvegarde des monuments et sites de l’Armagnac ». Des fouilles sont alors organisées chaque été pendant 30 ans. Depuis 2003, la ville de Montréal du Gers est propriétaire du site classé monument historique.
Après 18 mois de travaux pour la restauration des mosaïques et la villa Séviac a rouvert ses portes en juin 2018.
crédits photos ©desroulettessouslespieds
Sources :
l’excellent livre « La villa de Séviac » de Brieux Fages et Jean Gugole aux éditions sud-ouest ainsi que des recherches sur le web concernant la romanisation de la Gaule.
Les photos ont été prises sur le site –
Le dessin du maitre des lieux imaginaire est d’Anna Pétrov
Infos pratiques :
- Pour visiter Séviac : consulter le site internet « la villa Séviac«
- La villa gallo romaine se trouve à Montréal du Gers, près d’Eauze dans le département du Gers, en Armagnac, en Occitanie.
- Prix de l’entrée :
Adultes : 5 Euros ou 10 Euros pour les trois sites (Villa Séviac – Elusa – le musée)
Gratuit en dessous de 18 ans tarif spécial pour les groupes - Montréal du Gers est à 62 kms de Marciac – 54 kms d’Auch – 17 kms de Condom – 29 kms de Vic Fezensac – 130 kms de Toulouse – 150 kms de Bordeaux – 120 kms de Pau
Et vous, connaissez vous Séviac, villa gallo romaine dans le Gers
et ses célèbres mosaïques ?
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vraiment intéressant ! le dessin du sénateur est trop petit et la signature de la dessinatrice beaucoup trop grosse et inutile non ? Merci pour ton envoi et ce travail de recherche
Merci Anna, je reconnais bien ta modestie légendaire et ton deuxième degré. J’ai bien pris en compte ton commentaire.
C’est vraiment un article très intéressant ! je suis contente d’en avoir appris plus et c’était bien expliqué ^^
Merci pour ton commentaire, je suis ravie que tu aies aimé cette visite virtuelle !!
Je reste toujours fascinée par ces mozaique dans les lieux historiques ! Je m’imagine à quel point cela devait être sublime à l’époque. Merci pour cette découverte.