cj-en vadrouille février 20, 2024

Les « 13 desserts de Noël », sont une tradition provençale bien vivante. Et pourtant, on note parfois quelques hésitations concernant la composition de ce qui est, en quelque sorte, le point d’orgue du Gros Souper, servi le soir du réveillon de Noël. Que l’on soit de Marseille, d’Avignon, de Manosque ou d’Aix en Provence, une bataille fait rage et chacun défend bien sûr sa propre liste. Alors pour ne rien oublier et, en prime se montrer savant le soir du réveillon, voici un état des lieux de la tradition et surtout la précieuse liste des douceurs qui composent le rituel.

Pas un Noël en Provence, sans les 13 desserts

Après le Gros Souper, chaque convive se doit de manger un peu de tout pour mettre la bonne fortune de son côté pour la nouvelle année. La symbolique du chiffre 13 fait référence à la religion: les 12 apôtres et le Christ.  La composition de ces treize desserts est en fait pleine de bon sens, ils sont de saison et proviennent majoritairement du terroir. Des roulettes sous les pieds : Le Gros Souper

Avant les 13 desserts de Noël, il y avait les Calénos, douceurs méditerranéennes et provençales


On pense que l’origine des 13 desserts en Provence est religieuse. Mais bien avant que la religion ne se mêle de cuisine, les calénos, petites douceurs, figuraient sur la table du Gros souper lors de la veillée de Noël. C’est seulement en 1683, que le Père François Marchetti , curé marseillais, mentionne ces douceurs (fruits frais et secs et pompe à l’huile) dans son Explication des usages et coutumes des Marseillais.

Traditionnellement, avoir beaucoup de desserts sur la table à Noël était signe d’abondance pour les paysans sans que le nombre en soit précisé. Ce signe d’opulence, était d’ailleurs partagé par toutes les civilisations du bassin méditerranéen.

– Les calenos, des douceurs bien méditerranéennes

Les juifs séfarades dégustent des figues et des amandes, des raisins et du nougat lors de leur fête juive du nouvel an. Les Grecs en Égypte tenaient à la disposition de leurs hôtes, pour le changement d’année, un plateau de fruits secs et de châtaignes. En Catalogne on y ajoute du nougat et des pâtisseries à base de miel et d’épices. En Languedoc on retrouve la même tradition. A Marseille, les Arméniens font de même.

Il faut attendre les années 1783 – 1787 pour avoir un premier inventaire de ces desserts. On y trouve « les figues, les raisins frais et secs, les pruneaux de Brignoles, les oranges, les pommes, les poires, les cédrats confits, les biscuits, les nougats » mais… l’inventaire n’indique aucun chiffre.

C’est en 1820, qu’un Préfet des Bouches du Rhône parle de « gros soupé » et des « calénos ».  Souhaitant répertorier les traditions de la région, il cite : « desserts plus ou moins splendides selon l’aisance des familles, qui consistent en gâteaux, fruits secs, confitures, biscuits et sucreries, pompes et châtaignes qui ne manquent jamais »

A partir de 1850, le mouvement des félibres, poètes provençaux , dont le chef est Frédéric Mistral, forment un mouvement pour maintenir l’identité culturelle de la Provence, au travers de sa langue et de ses coutumes. L’un d’entre eux rédige des chroniques sur « les fêtes calendales » et mentionne à cette occasion les desserts qui composent le gros souper. A ceux que l’on connait déjà, on ajoute alors le vin cuit. Frédéric Mistral, quant à lui, en nomme 11.

Ce n’est qu’en 1925 que l’appellation « 13 desserts » est employée. Joseph Fallen, félibrige, écrit dans le numéro spécial d’un journal local « voici une quantité de friandises, de gourmandises, les treize desserts : il en faut treize, oui treize, pas plus si vous voulez, mais pas un de moins ».

– Les 13 desserts, une tradition assez jeune

Et de surenchérir sur la question, en 1946, le dénommé Tounin Virolaste, chroniqueur, en désigne lui aussi 13. La tradition était né. Un soupçon de religion par dessus pour donner plus de force à la coutume : pourquoi 13 desserts ? Et bien pardi, parce qu’il y avait 13 convives à la table de la Cène : les 12 apôtres et le Christ. L’affaire était pliée.

les 13 desserts de noël musée Fontaine de Vaucluse
Table du Gros souper avec les 13 desserts – Musée des Santons – Fontaine de Vaucluse

L’abondance de ces douceurs était de mise dans les familles. On a été même jusqu’à en dénombrer 55 variétés. Pour mettre tout le monde d’accord, quatre associations ont déposé une liste « officielle » en 1998. Il s’agit de l’association Fouque, de l’escolo Felibrenco Li venturié, des pâtissiers de la Coupo Santo, et de l’Union des calissonniers d’Aix. Les deux dernières associations sont des associations professionnelles. Peut être que l’arrière pensée est un peu commerciale mais on peut conclure avec la tradition « Ce n’est pas grave qu’il y en ait plus, mais il ne doit pas y en avoir moins! » Alors cette liste ? Elle arrive, elle arrive ….

– La guerre des listes fait rage :

Selon que vous êtes de Marseille ou d’Aix en Provence ….

Liste marseillaise

  • La pompe à Huile,
  • Les Quatre Mendiants: noix ou noisettes, figues sèches, amandes, et raisins secs
  • Les pommes
  • Le raisin frais
  • Le melon vert de fin de saison
  • Une orange, signe de richesse
  • Des dattes, symboles du Christ venus de l’orient
  • Le Nougat noir, au miel fondu cuit avec des amandes
  • Le Nougat blanc, aux noisettes, pignons de pins et pistaches
  • Le Nougat rouge, à la rose et aux pistaches

Liste aixoise

  • Gibassier ou Pompe à l’huile d’olive
  • Les Quatre mendiants : les amandes, les figues, les raisins secs, les noix (ou noisettes)
  • Raisin blanc (servant)
  • Orange (ou mandarine)
  • Melon de Noël (verdau)
  • Dattes
  • Nougat noir
  • Nougat blanc
  • Calissons d’Aix
  • Pâte de coing

Les indispensables : la liste pour ne rien oublier


« Voici une quantité de friandises, de gourmandises, les treize desserts : il en faut treize, oui treize, plus si vous voulez, mais pas un de moins»…. « Ce n’est pas grave qu’il y en ait plus, mais il ne doit pas y en avoir moins« .

  • La pompe à l’huile ou le gibassié, gage de réussite

Gibassié (qui s’écrit aussi Gibassier) ou pompe à l’huile, voilà qui fait débat. Mais est ce vraiment la même chose ? Attention le sujet est très délicat, et si vous vous avancez sur ce terrain, vous allez voir s’échauffer les esprits.

La pompe à l’huile est une sorte de brioche sucrée faite avec la farine la plus fine et la meilleure huile d’olive. On ajoute à cette préparation , quelques larmichettes de fleur d’oranger et un peu de sucre. La réussite de la recette tient dans la méthode utilisée pour la levée de la pâte. Bien sûr, JAMAIS d’anis dans la pompe à l’huile !

Retrouver ICI la recette de la pompe à l’huile avec la technique du levain qui fait la planche
Plus simple à réaliser : la recette de l’Office du Tourisme d’Aix en Provence

Le gibassié est une préparation plutôt croquante et sablée parfumée à l’anis ou aux écorces d’orange. Retrouver ICI la recette du gibassié

Nos adresses coups de cœur :

Note : 4.5 sur 4.

Adeline et son équipe aiment passionnément leur métier. Ici les biscuits, sont façonnés à la main, dans les règles de l’art. Les croquants croquent, les navettes ont le bon goût de la fleur d’oranger, les macarons sont une ode à l’enfance, et leurs amis : croissants aux pignons, biscotti, navettes, canistrelli, et kouravis vous font voyager dans le bassin méditerranée . Mais avant tout ici, c’est la Provence qui s’exprime avec de la bonne huile de la région, des amandes et même de la lavande. Les « gâteaux de voyage » sont confectionnés selon la tradition et se conservent plusieurs jours pour justement supporter « le voyage » (pas sûr qu’ils arrivent entiers à destination !!). Ici on suit aussi avec amour la tradition provençale et dès la fin novembre, on retrouve, dans la boutique installée dans un ancien relai de poste datant du 18ème siècle, pompes et gibassiers. Allez y, vous réjouirez papilles et pupilles !

Gibassier à l’orange, tu apprécieras 
Pompe au beurre, tu goûteras
Gibassier à l’anis, tu dégusteras
Pompe à l’huile d’olive, tu te régaleras 
Le choix sera difficile mais le tout tu savoureras
Bien sûr, sans vergogne,
A la Biscuiterie de Rognes.

Adeline, la Biscuiterie de Rognes

les 13 desserts de noël gibassier pompe à l'huile
  • A Lourmarin, dans le Luberon, spécialiste du Gibassier : La maison du Gibassier
  • A Aix en Provence : Le Gibassier 42 rue Espariat
  • Et bien d’autres dans la région …..

Tout ceci étant précisé, l’on voit bien que les deux préparations sont différentes.

La question cruciale est de savoir laquelle des deux sera sur la table avec les 13 desserts ?

Pour ne vexer personne, et éviter qu’on en débatte « la vie des rats », je dirai que tout dépend où cette « fougasse » est faite. Et sans ranimer de vieilles haines régionales, on pourrait s’aventurer à dire que la pompe à l’huile – douce, tendre, briochée et parfumée à la fleur d’oranger, est servie à Marseille et que le fier gibassier, sablé et épicé, est apprécié dans le nord et l’ouest de la Provence.

En ce qui nous concerne, nous avons choisi notre camp : nous mangeons les deux ! Comme tout le monde d’ailleurs ! Une dernière précision : les deux se rompent à la main, comme le christ a rompu le pain. Pas de couteau, malheureux, sous peine de se retrouver ruiné l’année suivante !

  • Les quatre mendiants (noix ou noisettes, figues sèches, amandes, et raisins secs).

On les appelle ainsi car leur couleur est proche des ordres religieux dits « mendiants ».
Figues sèches pour les Franciscains – Amandes pour les Carmélites – Noix ou noisettes pour les Augustins – Raisins secs pour les Dominicains.

  • Les dattes sont le symbole du Christ venu d’Orient, pour d’autres elles évoquent la fuite en Égypte.

La date est le fruit des rois. C’est un symbole de prospérité.

  • Les nougats blancs et noirs symbolisent les jours heureux et malheureux.
  • Les fruits frais pour la concrétisation des vœux émis dans le silence du cœur, et du raisin blanc pour la vitalité.

Les fruits frais étaient à l’origine, ceux conservés pour cette occasion à partir du mois de septembre, y compris les dernières grappes de raisin. Plus tardifs et de saison, la clémentine corse et quelques fruits exotiques sont venus s’ajouter.

  • Les pâtes de fruits, de coing, de pastèque ou du cédrat confit garantiront à tous une année de richesses.
  • Et des calissons pour une note aixoise

Le calisson d’Aix en Provence, le petit dernier des 13 desserts


Déjà connu en Italie, « le calissoun » fait d’un mélange d’amandes et de fruits confits, remonte selon la légende au XVème siècle à la cour du Roi René d’Anjou ( duc de Lorraine et de Provence, dit le « Bon Roi René » à Aix en Provence).
Jeanne de Laval, reine de Naples, épouse en seconde noce ce bon roi. Selon la légende, peut être s’ennuyait elle un peu à la cour de Provence auprès d’un monarque de 24 ans son aîné- et était fort triste.
Le maitre confiseur de l’époque lui aurait fait gouter cette douceur, faisant venir un sourire de plaisir, elle aurait dit « Di calin soun » « ce sont des câlins« . Cette bien jolie histoire n’en demeure pas moins une légende… mais à Aix en Provence, on l’aime bien cette légende des calissons.

A l’époque du roi René (fin du Moyen Age – 15ème siècle) les amandes étaient cultivées en Italie. Au 16ème siècle, se développe en Provence la culture des amandiers. Aix en Provence s’imposera alors comme la ville du calisson. Ici, le calisson fait l’objet d’une vénération, et je vous recommande la très jolie cérémonie de la Bénédiction des Calissons en l’Église Saint Jean de Malte, (1er week-end de septembre) suivie du défilé de calissonniers et d’une distribution en haut du Cours Mirabeau, face à la statue du bon roi René.

Il ne faut donc pas s’étonner que la liste aixoise des 13 desserts comporte des calissons. Tout comme les navettes de Marseille, figurent elles aussi en bonne position sur la table du Gros souper.

La recette du calisson a longtemps était secrète mais notre temps se moque des secrets.

Le calissonnier confectionne tout d’abord une pâte faite avec des melons confits, des amandes blanchies et des écorces d’oranges. Cette pâte est posée sur une feuille de pain azyme et recouverte d’un glaçage appelé glace royale. Il pose tout ceci sur un emporte pièce de la taille du calisson. Le calisson préformé passe alors au four.

Longtemps les calissonniers se sont fait la guerre entre eux. Leur demande d’appellation IGP déposée en 2000 n’avait pu aboutir à cause des dissensions de la Confrérie et faute d’accord sur le cahier des charges. Jusqu’au jour où un chinois a déposé l’appellation. La nécessité de sauver leur appellation les a forcé à s’unir. Le calisson est désormais protégé en tant qu’IGP (Indication géographique protégée) : il ne peut y avoir de calisson que de Provence fait avec des matières premières cultivées en Provence.

Pour en savoir plus, l’article écrit par Frédéric Paul guide conférencier ( le visible est invisible ) : Jésus est né en Provence et les Calissons aussi !

Voilà, vous savez (presque) tout sur les 13 desserts! Le Marché aux 13 desserts tant attendu chaque année au moment de Noël aura lieu à Aix en Provence du 17 au 24 décembre 2020, de 10 heures à 19 heures, Place François Villon pour le plus grand plaisir des amoureux des bonnes choses et de la tradition.

les 13 desserts de noël liste indispensable

Comme chaque année, chaque famille garnira sa table avec les 13 desserts de Noël qui réchaufferont nos cœurs en espérant des jours meilleurs. Et vous, que ferez vous cette année ? Quelle est votre liste favorite ?


En savoir plus sur Des roulettes sous les pieds

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Pin It on Pinterest

Share This